jeudi 20 mai 2010

L'industrie high-tech stimule l'économie indienne

Le secteur représente une part de plus en plus importante du PIB indien. Mais plusieurs efforts restent à fournir, notamment en matière de formation, pour s'imposer durablement, à l'échelle nationale et internationale.

L'industrie des technologies de l'information se porte bien en Inde : elle représente 3 % du Produit Intérieur Brut. Une part qui devrait aller en augmentant : selon Evalueserve, ce chiffre devrait grimper jusqu'à 8 % en 2015-2016. Faisant de l'Inde un marché dynamique du secteur des TIC. Il suffit d'ailleurs de regarder le nombre de personnes employées pour en être convaincu : toujours en 2015, le pays sera le second territoire à recruter le plus de salariés spécialisés dans les technologies après les Etats-Unis. "Dans sept ans, l'industrie devrait employer près de quatre millions de personnes et générer des revenus de près de 200 milliards de dollars", est-il indiqué dans le rapport.

Un problème de turn-over et de formation

"Sur place, le pourcentage détenu par les TIC dans l'économie semble bien supérieur", explique cependant Frédéric Donnette, dirigeant de Tkos, société spécialisée dans l'offshore TIC en Inde. "L'image que l'on a quand on travaille dans le secteur en Inde est surdimensionnée par rapport à la réalité du chiffre". Le PDG évoque ainsi une omniprésence au quotidien de la technologie et des entreprises qui développent des services TIC. "Le marché rencontre encore plusieurs obstacles qui le freinent", tempère-t-il cependant. Premier problème : le turn-over de la main d'oeuvre, très important, et qui pose certains problèmes en matière de recrutement et de management. Second obstacle : celui de la qualité des formations dispensées. "Le pays souffre du manque de personnel ayant des compétences très pointues", ajoute-t-il.

Vers une domination indienne ?

"Les institutions scolaires ne permettent pas suffisamment de former des salariés capables de s'attaquer à des notions complexes, notamment dans le monde bancaire". L'entrepreneur ne doute cependant pas de la prochaine domination du pays sur le marché global des technologies de l'information. Côté stratégie, les entreprises devraient en effet chercher à monter des bureaux dans des pays où cela revient encore moins cher, comme au Vietnam ou en Afrique. Et pour profiter de compétences très pointues, elles font appel à des spécialistes venus des Etats-Unis ou de l'Europe. Reste que les Etats-Unis devraient conserver leur position de dominant ces prochaines années, en termes de nombre d'employés et de revenus : le marché représentera plus de 800 milliards de dollars en 2015.

Publié le 05 Aout 2008 sur l'Atelier.fr

Inde : les télécoms portés par les régions sous-développées

Les opérateurs investissent de nouveaux marchés indiens, en visant les états les moins avancés. Une stratégie qui stimule la croissance du secteur.

L'Inde est le second marché mondial des télécoms. Et si le secteur connaît une croissance impressionnante, c'est dû essentiellement à son essor dans les régions sous-développées du pays. Ainsi, les zones telles que les Etats de Bihar et de Madhya Pradesh ont enregistré des chiffres records de souscripteurs aux opérateurs télécoms, avec une croissance de près de 90 % sur l'année 2007-2008. "Alors que les agglomérations métropolitaines ont atteint leur point de saturation, la phase suivante de la croissance des télécoms en Inde est conduite par les régions suburbaines ", explique Sajjan Jindal, président de l'ASSOCHAM. Une expansion stimulée en parallèle par plusieurs paramètres : le pouvoir d'achat des classes moyennes, mais aussi les tarifs avantageux pratiqués par les opérateurs, qui mettent sur le marché des terminaux très économiques pour toucher cette population.

260 millions d'abonnés

Ainsi, l'enquête de l'ASSOCHAM révèle que, de plus de 165 millions d'abonnés aux services télécoms en 2006-2007, l'Inde recense aujourd'hui plus de 260 millions d'utilisateurs. Une augmentation qui est due aussi en partie au développement rapide du sans-fil dans le pays. A noter : cette croissance concerne également le marché mobile. Les souscriptions sur ce secteur ont connu une vague d'expansion dans les régions de Bihar, Madhya Pradesh, du Bengale Ouest, du Nord Est et d'Orissa. L'exemple de l'Etat de Madhya Pradesh est parlant : on y dénombre aujourd'hui près de 125 millions d'utilisateurs mobiles, soit presque le double par rapport à 2005-2006.

Offensives commerciales et marketing

Ce qui a été suivi en parallèle par une augmentation significative du nombre de mobiles sur le marché national : de 57 millions en 2007 à près de 110 millions aujourd'hui. L'ASSOCHAM rappelle le rôle joué par les opérateurs qui souhaitent percer de nouveaux marchés en Inde et qui pour ce faire mènent de véritables offensives commerciales et marketing. Cependant, le rapport révèle que la croissance est néanmoins freinée dans certaines régions, comme le Nord Est, à cause de la faiblesse des infrastructures et de certaines contraintes technologiques.

Publié le 12 Juin 2008 sur l'Atelier.fr

Le secteur technologique indien ne connaît pas la crise

Le Nasscom publie les chiffres des performances industrielles du secteur en Inde. Celui-ci est en pleine croissance : il représente près de 6 % du PIB du pays pour 2008.

Avec un total qui frôle les 72 milliards de dollars, le secteur des nouvelles technologies et de l'externalisation est l'un des moteurs de la croissance indienne de l'année 2008, rapporte le Nasscom. L'organisme de promotion et de développement des nouvelles technologies et des services associés en Inde prévoit que cette bonne santé ne devrait pas se tasser. Il table en effet sur une croissance annuelle de l'ordre de 15 % du secteur sur la période 2009/2011. Un des premiers postes de revenus est les exportations. Celles-ci devraient progresser de près de 20 % sur l'année fiscale 2009, grâce à une politique de diversification géographique et d'approche des marchés européens.

Croissance externe...

Ganesh Natarajan, président de Nasscom, met en avant l'intérêt de ces chiffres : "La croissance du secteur technologique et d'externalisation contribue à la croissance de l'économie. En sus, grâce à sa balance positive, elle attire et rassure les investisseurs". Les exportations rapportent en effet 47 milliards de dollars à l'économie indienne. L'objectif selon lui est désormais de contribuer à l'accélération des politiques d'incitations fiscales. Ce, afin d'assurer la pérennité des investissements. "C'est un moteur du développement socioéconomique de l'Inde", ajoute-t-il.

... et domestique

La demande intérieure de produits technologiques est également en hausse. Elle va croître au rythme soutenu de 20 % sur l'année 2009 pour un total de 22 milliards de dollars. Les effets d'un tel dynamisme font que le secteur créera près de deux millions d'emploi directs et près de huit millions indirectement. Pramod Bhasin, Vice Président de Nasscom, avance les effets positifs sur les formations et les gains de productivité que vont obtenir les employés indiens. Une élévation du niveau de vie, malgré une stagnation des salaires, qui va profiter au développement économique de certaines villes.

Publié le 12 février 2009 sur l'Atelier.fr

Une puissance informatique à la conquête du monde

Cela fera bientôt 10 ans que l'industrie de la haute technologie prend son essor en Inde. Avec plus de 500 000 travailleurs dans ce secteur, l'Inde est devenue un géant des technologies de l'information (TI). D'ici quelques années, ce nombre pourrait même doubler. L'impact de la forte croissance du secteur informatique se fait particulièrement sentir à Bangalore, où se concentre 35 % de l'industrie. À titre d'exemples, la compagnie montréalaise CGI possède deux bureaux en Inde, et le géant indien Infosys, avec des bureaux dans 16 pays, emploie 23 000 personnes qui vivent essentiellement de la création de logiciels pour des multinationales américaines.

Mais la tendance s'étend maintenant à toutes les grandes villes du pays. Or, la délocalisation d'entreprises (outsourcing) n'est pas étrangère à ce phénomène dont bénéficie l'Inde. Mot à la mode, il désigne le transfert vers l'étranger d'emplois initialement occupés localement. En somme, les pays développés, États-Unis et Royaume-Uni en tête, perdent des emplois qu'ils occupaient il n'y a pas si longtemps. La situation préoccupe la classe politique américaine au point que le Sénat vient de proposer une loi restreignant la délocalisation des opérations du gouvernement fédéral à l'étranger.

Alors que nous avons l'habitude de voir des emplois manufacturiers ou de bas niveau partir vers les pays en développement, l'Inde attire pour la première fois des emplois de chercheurs de haut niveau. Une aubaine pour les multinationales: ces chercheurs peuvent gagner cinq ou six fois moins qu'un chercheur américain. Mais l'Inde ne pourrait bien être qu'une étape dans cette course au profit des grandes entreprises d'informatique. Le vice-président d'Infosys explique que sa compagnie lorgne déjà vers la Chine et l'Europe de l'Est pour y déplacer, éventuellement, certains emplois.

Quel sera l'impact de cette révolution informatique sur l'Inde et sur l'Occident? Comment réagissent les Indiens eux-mêmes, et quel débat cela suscite-t-il chez nous, en particulier aux États-Unis? L'Inde vivra-t-elle bientôt ses propres délocalisations d'emplois vers des cieux plus économiques?

Il n'aura fallu qu'une décennie pour que l'Inde ne récolte la palme en matière de sous-traitance de services informatiques. Au début des années 90, bon nombre de grandes entreprises américaines, poussées par un objectif de rentabilité, ont transféré leurs centres d'appels ou de saisie de données en Inde, qui fournissait une main-d'œuvre très économique. Au fil des années, les multinationales ont poussé plus loin le phénomène de délocalisation, trouvant en Inde un bassin de diplômés qualifiés, parfaitement aptes à assumer des emplois de haut niveau à un moindre coût. En 2002, le secteur des nouvelles technologies en Inde a enregistré une hausse de 30 %.


Michel Labrecque, journaliste pour Radio Canada.

Emission à écouter sur cette page de Radio Canada.


Sciences et technologies en Inde

Aujourd'hui le savoir-faire scientifique et technologique de l'Inde connaît un développement significatif et une certaine évolution dans ses orientations. Il bénéficie de la croissance générale du pays, la politique volontariste des autorités indiennes et l'ouverture à l'international. Historiquement, plutôt axé sur des secteurs scientifiques très ciblés, l'activité scientifique et technologique semble se diversifier. Toutefois, ce fort potentiel est actuellement limité par des conditions structurelles liées au soutien à la recherche en Inde.

Au sommaire du rapport de l'Ambassade de France en Inde :

1. Montée en puissance
1.1. Une volonté politique
1.2. Des acteurs méconnus
1.3. Des résultats de niveau mondial
1.4. Ouverture vers l'étranger

2. Limites actuelles à la croissance
2.1. Des faiblesses structurelles
2.2. Un effort public très ciblé
2.3. Fuite des cerveaux

Annexes :
- Organisation de la recherche indienne
- Principaux organismes civils de recherche
- Council for Scientific and Industrial Research (CSIR)
- Department of Biotechnology (DBT)
- Department of Science & Technology (DST)

Rapport de l'Ambassade de France en Inde à télécharger gratuitement.

L'Inde et l'ordre du Monde

Loin des simplismes, la globalisation actuelle ne se réduit nullement à l’expansion de réseaux dominés par les systèmes politiques, économiques, idéologiques, technologiques et financiers occidentaux. Si leur domination est incontestable, comme l’est la suprématie de l’hyperpuissance américaine, l’échiquier mondial n’est toutefois pas un jeu à somme nulle, ou à sens unique. Le discours international sur la multipolarité paraît s’atténuer à mesure que s’affirme, sous la présidence Bush, l’unilatéralisme américain, mais il serait erroné de croire en la subjugation durable des puissances du deuxième cercle : Union européenne, Russie, Chine, Japon.

Dans ce contexte, le cas indien est digne d’intérêt pour de multiples raisons. Il témoigne d’abord de l’ambition nouvelle d’un État d’un milliard d’habitants, qui fut un pays phare de la décolonisation, puis un leader du mouvement des non-alignés. La réforme économique engagée en 1991 et les essais nucléaires de 1998 témoignent, sous des modes distincts mais complémentaires, d’une volonté d’être partie prenante d’un jeu mondial que New Delhi souhaite voir élargi à de nouveaux acteurs.

Le cas indien éclaire aussi l’ambiguïté des dynamiques d’affirmation de soi. Le discours revendicatif, dénonçant les injustices de l’ordre mondial, appelle à une redéfinition de l’architecture mondiale afin qu’elle soit plus équilibrée. Il s’ancre ainsi dans la tradition contestatrice de l’héritage post-colonial critique. Mais très vite, ce même discours se double d’une affirmation nationale, qui tient bien moins du paradigme fondateur de l’Inde des années 1950 et 1960, qu’on peut définir comme étant « l’idéalisme nehruvien », que du retour au vieux principe de Lord Palmerston : « Les pays n’ont pas d’amis permanents. Ils n’ont que des intérêts permanents. »

La droite nationaliste hindoue aujourd’hui au pouvoir à New Delhi assume pleinement cette logique de la Realpolitik au service des intérêts nationaux, mais elle le fait dans une dialectique espace-temps très contemporaine, appuyée sur trois arguments. En premier lieu, le concept d’Inde « résurgente » ancre les ambitions d’aujourd’hui dans un passé reculé : il est porté par une lecture identitaire de l’histoire promouvant le concept d’hindouité, et invoquant, au moins implicitement, l’âge d’or des royaumes hindous pré-islamiques. En second lieu, cette vision du monde porte comme il se doit un intérêt particulier au contexte macrorégional, c’est-à-dire à la géopolitique asiatique, et à ses pôles majeurs au regard des intérêts indiens : le continuum pakistano-afghan, la Chine, la Russie, l’Asie centrale, et le bandeau littoral et maritime qui court du Moyen-Orient à l’Indonésie. Enfin, l’Inde se projette dans l’univers mondialisé, en s’y affichant sous des formes inédites et porteuses d’avenir, par le biais d’une diaspora qui s’affirme dans des champs multiples : scientifiques, technologiques, culturels et mêmes économiques. Dès lors, le monde vu de New Delhi n’est pas seulement régi par un ordre inégal. Il offre aussi des opportunités qui permettent d’avancer les intérêts indiens et de redessiner l’image de l’Inde.

S’interroger sur la façon dont l’Inde voit le monde commande de s’interroger aussi sur la façon dont elle se voit. Dans les deux cas, le singulier est réducteur. Il y a pluralité de perceptions, comme il se doit, a fortiori dans un État de plus d’un milliard d’habitants, démocratie parlementaire à solide tradition intellectuelle, pourvue d’une presse pluraliste, d’une classe politique nombreuse structurée en multiples partis, et d’une galaxie d’organisations non gouvernementales dont plusieurs ont atteint une renommée internationale. En ce sens, « le monde vu de New Delhi » est une formule réductrice, qui privilégie les analyses des décideurs gouvernementaux. Nous veillerons donc à évoquer aussi les voix dissonantes, mais qui ne sont pas sans écho.

Pourtant, derrière cette polyphonie, quelques lignes dominantes se manifestent. Ce sont elles qu’on voudrait identifier ici, en soulignant d’emblée un thème majeur : celui de la transition, voire du changement de paradigme. Pour être bref, disons que les années 1990 ont marqué le passage de l’Inde postcoloniale, qui gagna son indépendance en 1947, à l’Inde de la phase suivante, celle qui abandonne une position relativement défensive (marquée par le protectionnisme économique) ou en quelque sorte latérale (le non-alignement) pour affirmer sur un ton nouveau ses intérêts et ses ambitions, dans un monde où la place effective de l’Inde est jugée inadéquate, quand on compare sa modestie avec le poids historique de la civilisation indienne, et avec le poids démographique de l’Inde d’aujourd’hui. L’arrivée au pouvoir, en 1998, du Bharatiya Janata Party (BJP : parti du peuple de Bharat, le vieux nom sanscrit de l’Inde) confirme l’ampleur du changement, mais n’en est nullement la seule marque. Les essais nucléaires conduits quelques semaines après l’arrivée du BJP aux commandes constituent certes le signal le plus éclatant de cette nouvelle vision de soi et du monde. Mais ils n’ont fait qu’entériner, en y ajoutant une couleur idéologique spécifique, un processus plus profond, et moins partisan. Le début de la réforme économique, lancée en 1991 par le vieux parti du Congrès, porte-drapeau du mouvement anticolonial, puis constructeur majeur de la nouvelle nation, demeure en effet le symbole le plus significatif de cette entrée dans une nouvelle phase, qui s’appuie sur une lecture de soi et de l’ordre du monde qui ne renie pas le passé, mais qui témoigne d’une profonde transformation. Sans attendre la résorption de la pauvreté, l’Inde entend quitter sa défroque de pays en développement, et a fortiori de pays sous-développé, pour s’affirmer comme marché émergent et afficher ses ambitions depuissance.

Introduction de l'article L'Inde et L'ordre du monde, de Jean-Luc Racine, publié dans la revue Hérodote.