vendredi 26 février 2010

Situation économique et financière de l'Inde



Ralentissement de la croissance

La croissance de l’économie indienne a atteint 9,0 % durant l’année budgétaire 2007/08 (avril à mars) après 9,6 % en 2006/07. Au premier semestre de l’année budgétaire 2008/09, l’activité économique a progressé de seulement 7,8 % contre 9,3 % sur la même période un an plus tôt. Pour l’année budgétaire 2008/09, la Banque centrale (RBI) prévoit une croissance de 7½ à 8 %. Plus pessimistes, l’Economist Intelligence Unit (EIU) et Citigroup prévoient respectivement +6,2 % et +6,8 % pour l’année 2008/09 et +6,1 % et +5,5 % pour l’année 2009/10.

L’Inde a été affectée ces derniers mois par un double choc externe. Le renchérissement jusqu’à cet été des cours mondiaux de matières premières a engendré des tensions internes sur les prix, le compte courant et le déficit public. Ce premier choc a été suivi par un second choc, entrainé par un tarissement du crédit à la suite de la crise financière mondiale. − Du côté de l’offre, au premier semestre de 2008/09, l’activité manufacturière a sensiblement baissé, sa croissance s’élevant à 5,3 % contre 10,1 % un an plus tôt. Les services aussi progressent moins rapidement sur la période : le secteur finance-assurance-immobilier décélère, passant de 12,5 % à 9,2 %, ainsi que le secteur commercetransports- communication, de 12,1 % à 11,0 %.

− L’indice de production industrielle a ralenti nettement au cours des derniers mois. En moyenne sur trois mois, l’indice croît sur un an de seulement 4,5 % en septembre contre 8,7 % sur la même période l’année précédente.

− Du côté de la demande intérieure, la croissance de l’investissement est passée de 15,0 % à 11,4 % entre les premiers semestres des années budgétaires 2007/08 et 2008/09. La consommation privée ralentit légèrement du fait de l’érosion du revenu réel des ménages engendrée par l’inflation. Au premier semestre de 2008/09, elle augmente sur un an de 6,5 %, contre 7,6 % sur la même période en 2007/08.

La crise financière mondiale a encouragé des rapatriements de capitaux vers les pays développés et a fortement accru l’aversion pour le risque, entrainant une forte contraction des conditions de financement et pesant sur l’investissement des entreprises et sur la demande des ménages.
Certains secteurs sont déjà fortement touchés par le ralentissement économique. C’est le cas de l’immobilier, de l’automobile, du textile (sur un an : -4,7 % pour la production de coton et -7,3 % pour celle de tissu en juillet) et du transport aérien (baisse de 19 % du nombre de passagers en septembre). L’informatique devrait être affectée par la contraction des débouchés extérieurs, notamment vers les Etats-Unis.

Les tensions inflationnistes reculent

L’inflation s’est stabilisée ces derniers mois mais reste à un niveau élevé. Néanmoins, l’objectif
d’inflation fixé par la RBI à 7 % en mars 2009 devrait être atteint à la faveur du ralentissement des prix des matières premières, notamment énergétiques.

− L’indice des prix de gros (indice WPI, généralement retenu en Inde pour la mesure de l’inflation) progresse de 8,89 % sur un an lors de la première semaine de novembre, contre 12,8 % en août 2008 et 4,5 % en janvier.

− L’indice des prix à la consommation pour les travailleurs industriels (CPI-IW) a augmenté moins rapidement (10,4 % en septembre 2008 contre 5,5 % début 2008) du fait du contrôle des prix sur de nombreux produits et de la compression des marges des industriels. Le déficit public progresse nettement

En 2007/08, le déficit du gouvernement central a été de 3,3 % du PIB et le déficit consolidé (incluant les budgets des gouvernements locaux et les subventions off-balance, non incluses dans le budget du gouvernement central) représentait 6,8 % du PIB.

Le budget 2008/09 du gouvernement central prévoyait un déficit réduit à 2,5 % du PIB. Cette cible devrait être dépassée, à cause du ralentissement des recettes fiscales, des hausses de salaires des fonctionnaires, des baisses de taxes sur les importations et des remises de dettes aux agriculteurs pauvres. Mais surtout le déficit consolidé devrait croître sensiblement, atteignant entre 8 et 10 % du PIB : au 1er semestre de l’année budgétaire l’envolée des cours internationaux des matières premières a fortement pesé sur le coût des subventions off-balance.

Les comptes externes et la roupie sont sous tension

Exprimées en USD, les exportations de biens et services ont progressé de 20,5 % en 2007/08, légèrement en dessous du rythme de 22,6 % de 2006/07. Les importations se sont montrées plus dynamiques en 2007/08, augmentant de 26,8 % contre 21,1 % un an plus tôt. D’avril à août 2008, les exportations ont fortement progressé (+35,1 % sur un an, en USD) mais restent bien inférieures à la croissance des importations (+37,7 %).

Le déficit commercial des biens et services en 2007/08 a atteint 52,5 Mds USD (-4,5 % du PIB). Pour le premier trimestre de 2008/09, le déficit s’élève à 21,1 Mds USD, contre 12,0 Mds USD sur la même période un an plus tôt. Les transferts des indiens non-résidents restent dynamiques, passant de 7,5 Mds USD à 11,5 Mds USD sur la période avril-juin entre 2007/08 et 2008/09.

Au total, la balance commerciale se creuse : à -1,5 % du PIB en 2007/08 (-17,4 Mds USD), elle passe de -6,3 Mds USD en avril-juin 2007 à -10,7 Mds USD en avril-juin 2008. D’après l’EIU et Citigroup, son déficit s’établirait respectivement à 3,6 % et 3,5 % en 2008/09 et 3,8 % et 2,1 % en 2008/09.

Les investissements directs étrangers vers l’Inde restent importants sur avril-juin 2008, atteignant 12,1 Mds USD contre 7,0 Mds USD un an plus tôt. En 2007/08, ils ont représenté 2,8 % du PIB (32,3 Mds USD).

Les investissements de portefeuille vers l’Inde ont atteint 29,1 Mds USD en 2007/08 (2,5 % du PIB) contre 7,0 Mds USD en 2006/07. Les turbulences financières mondiales ont conduit les investisseurs étrangers à procéder à d’importants retraits de capitaux des pays émergents. L’Inde n’a pas été épargnée par ce mouvement. Les investissements en portefeuille sont en recul au premier trimestre de 2008/09, avec une sortie nette des capitaux de 4,2 Mds USD (contre une entrée nette de 7,4 Mds USD un an plus tôt). Les retraits nets de capitaux par les investisseurs étrangers institutionnels s’établissent à 9,0 Mds USD sur l’année civile 2008 (1er avril au 21 novembre 2008) avec 4,3 Mds USD pour le seul mois d’octobre.

La dette extérieure atteint 221 Mds USD fin juin 2008, dont 89 Mds USD à échéance à moins d’un an. À la même date, les réserves de change représentaient environ 14 mois d’importations de biens et services (312 Mds USD). Depuis, en vue de contenir la dépréciation de sa monnaie, la RBI est intervenue en vendant des devises. De plus, la hausse du dollar par rapport aux autres devises tend à déprécier les réserves exprimées en dollar. Le 14 novembre 2008, les réserves de change n’atteignaient plus que 246 Mds USD.

Entre le 1er septembre et le 1er décembre, la roupie a perdu 13 % de sa valeur face au dollar, notamment à cause de la raréfaction de la monnaie américaine et des importants retraits de capitaux. Toutefois, cette tendance est également liée à l’appréciation générale du dollar. Face à l’euro, la roupie a gagné 2 % sur la période. Depuis le 1er janvier 2008, la roupie s’est dépréciée de 27 % face au dollar et de 11 % face à l’euro (resp. 15 % et 8 % depuis le 1er janvier 2005).

Politique monétaire en vue de restaurer la liquidité des marchés

En vue de contenir les tensions inflationnistes, la politique monétaire était devenue restrictive
durant la première moitié de l’année 2008. La RBI a progressivement relevé son principal taux directeur (repo rate) à 9,0 %. En réaction à l’important assèchement des liquidités depuis mi-septembre, elle a procédé à un assouplissement de sa politique monétaire. Son taux directeur a baissé de 150 points de base, passant de 9,0 % à 7,5 %. Elle a aussi réduit son taux de réserves obligatoires (cash reserve ratio) de 350 points de base, passant de 9,0 % à 5,5 %. D’autres mesures ont également été prises afin de restaurer la liquidité sur les marchés (baisse des exigences de liquidité – Statutory Liquidity Ratio, réduction des barrières à l’entrée des investisseurs étrangers non enregistrés, hausse de la rémunération des dépôts des indiens non résidents, …).

Politique budgétaire expansionniste

De nombreux facteurs contribuent à un creusement du déficit public. Même si les marges de manoeuvre budgétaires semblent limitées, la baisse des subventions pour maintenir les prix administrés (nourriture, produits pétroliers, engrais) pourrait être compensée par des dépenses supplémentaires, le Gouvernement prenant des mesures de relance budgétaire en vue de soutenir l’économie. La perspective des élections en 2009 est également favorable à une politique expansionniste.

Problématiques de moyen terme

La priorité des autorités indiennes est de contenir les effets de la crise financière mondiale sur le secteur réel indien. Elles devront continuer à raffermir le marché du crédit et à rassurer les institutions bancaires dont l’aversion au risque s’est accrue fortement ces derniers mois.
La modernisation des infrastructures est une nécessité pour décloisonner le marché intérieur indien et abaisser les coûts de transport. Environ un tiers des 500 Mds USD d’investissements nécessaires pourraient être en partie pris en charge par le secteur privé afin de desserrer la contrainte sur les finances publiques. De plus, ces investissements pourraient soutenir la demande intérieure, indispensable à la croissance indienne.

Source : Situation économique et financière de l’Inde – rapport de la mission économique de New Delhi– Décembre 2008.

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